mardi 26 octobre 2010

Run Drag Queen, Run !...

La Gazette de DC - N°3
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Édito
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Voilà déjà plus de deux mois que je suis à Washington !
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- Deux mois que j'arpente les mêmes rues et que j'apprivoise peu à Foggy Bottom, Dupont Circle, Georgetown, le Mall, Capitole Hill...
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- Deux mois que j'ai pris l'habitude de siroter des grands cafés dans un thermos en travaillant à la bibli.
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- Deux mois que je prends le New York Times tous les matins dans le hall des dorms en me disant « je le lirai ce soir », puis « je le lirai demain », avant de finalement l'ajouter à la pile de journaux dans mon salon, sans avoir rien lu d'autre que la une (j'ai arrêté le Washington Post depuis que j'ai appris que c'était un journal à tendance Républicaine, ndlr).
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- Deux mois que je parle indifféremment anglais (passionnément), français (beaucoup), espagnol (un peu), arabe (pas du tout !).
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- Deux mois que je rencontre des gens aux nationalités peu courantes : Uruguay, Curaçao (Antilles néerlandaises), Palestine, Moldavie, etc.
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- Deux mois que je m'arrête toujours quand je vois un écureuil (ce qui se produit à peu près tous les 10m).
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- Deux mois que je pousse toujours des cris perçants chaque fois que je vois un rat (ce qui se produit maintenant en moyenne une fois par soir vu que le temps se rafraîchit).
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- Deux mois que je m'escrime toujours à faire mes heuuuuuures de readings pour chaque matière.
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- Deux mois que je ponds des essais sur tout et n'importe quoi.
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- Deux mois que j'observe et cherche à comprendre tout ce que je découvre ici... sans toujours y arriver...
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... parce que Washington n'est pas une ville comme les autres !
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(Wahouuuu !!!! C'est beauuuuuu !....)
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Page « Société »
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Ce que j'ai appris en deux mois ici, c'est que d'un point de vue fédéral, Washington correspond à une entité on ne peut plus complexe.
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En effet, la ville jouit d'un statut « bâtard », puisque le District of Columbia n'est pas un État fédéré considéré et comptabilisé comme les 50 autres États américains. Il n'est pas représenté au Sénat ; uniquement à la Chambre des Représentants, grâce à un unique représentant à valeur d'observateur. En outre, les habitants du District of Columbia n'ont le droit de voter aux présidentielles que depuis 1961. Ironiquement, ils sont quand même invités à payer des impôts à l'État fédéral.
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Cette situation quelque peu paradoxale est résumée dans la devise des plaques d'immatriculation de DC : « Taxation without representation ». Pour les malchanceux qui n'auraient pas eu le plaisir d'assister au cours du génial Philippe Boutry à Pipo en 1ère année : cette devise est un clin d'œil aux federalist papers parus en réaction contre le Stamp Act de 1765 - imposé par l'occupant anglais – et qui clamaient au contraire : « No taxation without representation ». Comme quoi, les Américains ont le sens de l'auto-dérision...
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Ce que j'ai appris en deux mois ici, c'est qu'on peut difficilement faire plus international que Washington.
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C'est évidemment la résidence principale/secondaire des représentants, des sénateurs, des administrateurs d'État, des officiers haut-gradés américains... Mais c'est aussi et avant tout le siège de tant de lobbies internationaux, de think-tanks, d'ONG, du FMI et de la Banque Mondiale pour ne citer qu'eux. Washington est donc largement une ville peuplée de « citoyens du monde ».
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Ceci ne se manifeste pas qu'à coups de grattes-ciels et de logos connus ; cela transparaît aussi dans l'existence de quartiers vietnamien, latino, chinois, éthiopien... ainsi que dans la représentation d'un nombre incroyable de cuisines du monde. (Trois restaurants polonais rien qu'à DC !) Je pense qu'à ce niveau-là, même Dubaï ne rivalise pas, parce qu'elle garde malgré tout ce côté « arabe », et hiérarchise la diversité des nationalités qu'elle abrite, contrairement à DC.
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Ce que j'ai appris en deux mois ici, c'est qu'on n'est pas obligé d'aller dans un pays du « Sud » pour voir se côtoyer misère noire et richesse tapageuse.
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Washington est une ville de contraste, brutal, frappant, indécent même. Entre les quartiers aux maisons coloniales telles celles que j'ai longées l'autre jour près de Massachussetts Avenue, et les ghettos de Noirs, dangereux et insalubres tels ceux qu'on trouve à Anacostia et où l'on m'a défendu de me rendre, rien ! Pas de classes moyennes !
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Les employés de bureaux, les petites professions libérales, les petits commerçants... Tout ce monde-là vit au bout des lignes de métro : dans le Maryland ou en Virginie. Depuis les années 1950/60, la gentrification n'a cessé de drainer ces gens-là vers les banlieues verdoyantes et aux taxes immobilières plus supportables que dans le centre-ville, alors en plein boom économique et architectural. Le rêve américain du John Doe en chemise aux manches retroussées qui passe la tondeuse sur son carré d'herbe pendant que sa p'tite femme enfourne une tarte aux pommes dans une cuisine rutilante et bien équipée, en robe digne d'Ava Gardner et talons aiguilles, est devenu la triste réalité. Cf. "Desperate Housewives" pour les connaisseuses !
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D'où l'absence de ménages « moyens » à Washington aujourd'hui, et cette ségrégation sociale (voire raciale) choquante. Quand vous vous promenez derrière Capitole Hill, entre la 14th et la 15th rue précisément, vous passez subitement d'une zone résidentielle paisible aux jardins proprets à un quartier malfamé où l'espérance de vie d'une jeune blanche solitaire est assez compromise (dixit Trevor).
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Quant aux nombreux homeless qui mendient et dorment sur les trottoirs à Georgetown ou Foggy Bottom, ce qui nous a frappées Marine et moi en arrivant ici, c'est qu'ils sont TOUS noirs (je n'ai jamais vu de clochard blanc depuis mon arrivée !), et cumulent bien souvent handicaps physique et mental...
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Ceci me permettant d'embrayer sur...
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Le roman-feuilleton de la semaine
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Lucile, tu parlais dans un article de cette espèce de ghetto de riches dans les faubourgs de Buenos Aires où tu avais été goûter, et du sentiment de gêne voire d'écœurement qui en avait découlé. J'ai expérimenté à peu près la même chose dimanche soir...
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J'étais invitée à dîner avec Hyuna chez un ami américain qu'elle s'est fait ici, dans un immeuble début XX°, face à la Maison Blanche, avec petits buis et canapés en osier sur roof-top au 12ème étage et lobby embaumant les orchidées au rez-de-chaussée. Brett est né à Chicago, il est le fils de deux avocats internationaux. Brett a grandi entre Los Angeles, Miami, Boston. Brett vit dans une bulle. Brett dépense $120 de lasagnes et nourriture thaï au marché couvert de Georgetown quand il veut manger « vite fait » parce qu'il est à la veille d'un midterm exam et qu'il doit réviser. Brett dépense $80 de chocolats chez Godiva parce qu'il a un p'tit creux et que c'est l'heure du goûter. Brett voyage uniquement en première classe. Sur un coup de tête, Brett achète à Hyuna un foulard en soie bleue importé de Paris parce qu'il « aimait bien la couleur ».
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Malgré ce, Brett a une vie difficile : Brett ne sait pas ce qu'il veut faire plus tard. Brett est blasé. Il n'aime aucune des villes qu'il a habitées. New York n'est pas sa tasse de thé ; la Floride non plus. C'est pour ça qu'après son année de freshman, Papa et Maman lui ont payé une année sabbatique, l'histoire qu'il aille passer 5 mois à Séoul et 5 mois à Paris (dans le Marais), l'histoire qu'il s'ouvre au monde, qu'il prenne son temps pour réfléchir, et surtout, qu'il traîne dans des cafés et des maisons de thé. Attention ! Brett n'a pas travaillé cette année-là, ni même pris des cours de langues. Mais le bon point dans tout ça, c'est que Brett en a appris plus sur Paris que moi en 3 ans là-bas. Du coup, Brett peut décréter la tête haute que : « La vie à Paris n'est pas stressante du tout... Oui, il y a le boulot/les études, c'est sûr, mais quand tu as fini le soir, paf, tu descends manger dans une brasserie de Saint-Germain, et puis tu sirotes un Château-Margaux avec les copains... Ça va quoi ! »
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Bref, Brett a manqué de paires de claques dans sa jeunesse. Brett ferait mieux de partir en Érythrée ou au Bangladesh, la prochaine fois qu'il veut « se donner du temps pour réfléchir »... En bas de l'immeuble de Brett, il y a des sans-abris qui commencent à grelotter la nuit en cette fin d'octobre. Mais le plus drôle dans tout ça, c'est que Brett a assez d'aplomb pour me dire que j'ai « l'air typiquement française... Bien sapée, bien élevée, mais un peu snob quoi ! ». No comment !
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Ainsi s'achève cette petite « gueulante » contre cette grosse blague qu'est Brett, et qui malheureusement, est loin d'être un cas isolé à George Washington apparemment... Trevor m'avait pourtant prévenu ; je continue de tomber de haut !
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Ndlr : Brett parle français, alors j'espère qu'il n'aura jamais ouï dire de ce petit portrait...
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Page « Évènements sportifs »
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Ce soir, Trevor nous a emmenées, Marine et moi, à un événement annuel que j'attendais avec impatience depuis que mes copines du foyer m'avaient offert le "Lonely Planet" sur Washington (merci Floflo, Camille, Astrid et Julieta de amor !) : la drag race. Le principe : la 17th rue, entre Dupont Circle et Logan Circle ; une foule de flics et de spectateurs massée sur les trottoirs, aux fenêtres et sur les toits environnants ; une centaine de drag queens en talons hauts.
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Au final : 2 heures d'attente pour 2 minutes de course ! Mais purée, ça en valait la peine ! Je n'avais jamais rien vu de semblable... Lady Gaga, Cruella, des épouses de mineurs chiliens, Liza Minelli, Wonderwoman, des écolières anglaises, une Écossaise en kilt, des sufragettes, une mouette mazoutée par la marée BP, des divas, une reine des cartes, des danseuses du Crazy Horse, des sluts en tous genres... Une grande créativité pour certain(e)s ; une absence totale de prise de tête pour d'autres. Des tonnes de poils aux pattes ; zéro vrais seins. Un p'tit sentiment de malaise au début vite oublié par de grands éclats de rire. Un point commun à tous les coureurs (ou coureuses ? ;-) : du mauvais goût à outrance ! Mais qu'est-ce que c'était drôle !
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Ah oui, le résultat sportif ? Un petit gringalet, barbu, à la robe légère s'ouvrant sur une vraie moquette, sur des talons aiguilles pas très hauts !
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NB : Pour ne pas choquer certaines âmes sensibles, je n'ai mis ici qu'un échantillon de mes photos « soft ». Si vous avez envie de rigoler davantage et que vous avez le cœur bien accroché, let me know...
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Le Courrier des Lecteurs
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1°/ Joyeux Anniversaire Grand-Mère !!! Une carte postale est actuellement quelque part au-dessus de l'Océan Atlantique à ta recherche... Mille bisous doux ainsi qu'à "ton ours" ;-)
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2°/ Merci ma Luciole pour ta carte postale d'Iguazú ! Petite surprise et grand sourire à l'ouverture de la boîte aux lettres. Épatant paysage que j'espère voir un jour en vrai... Mil besos también querida.
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Sur ce, la gazette s'achève. Merci de l'avoir suivie ! Bonne nuit les petits !

4 commentaires:

  1. hahahaha, moi je veux les photos trash !!

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  2. Continue Hélène à nous faire partager toutes tes expériences américaines...même sans laisser des commentaires, tous ceux qui te lisent trouvent ce blog "super".

    Bises.

    Maman

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  3. Moi, je trouve se blog tré bien. Je ne suite pas tré douai pour l'ecriture, sé pour sa que je ne mé pas souvens des commantaire, mais sé bien, il faut que tu continue. Papa

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  4. Hélénouchette, j'adooooore ton blog!
    Oui, honte sur moi, je commente jamais, parce que c'est trop complique de taper sur un iPhone avec mes petits doigts boudines, ma vie est terrible!
    Pour ma part je viens d'arriver a Terre-Promise (Perth pour les intimes) après m'être fait baiser par Pute-Airline (tiger, My love) et un taxi pakistanais au compteur frelaté, et je me délecte de tes aventures assis avec Jules sur la table a chatte (cf mon blog)!
    Continue! Yes, you can!
    Et continue de poster des articles sur fb a propos de la politique de ton pays sous-dev inconnu!

    Love,

    jean

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