jeudi 21 octobre 2010

The slaps' week

Cette semaine, j'ai reçu deux claques en pleine figure... Une claque artistique mineure. Et une claque humaine décisive.
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Je m'explique...
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I. The artistic slap
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Samedi dernier, en plus d'être allée au cinéma, je suis allée à la National Gallery of Art de Washington... chose que je vous avais cachée pour mieux vous en parler ensuite ! Cette visite faisait partie de mes projets depuis longtemps, je l'attendais avec impatience, mais je la repoussais sans cesse, pour y aller avec Marine et Mathilde. N'y tenant plus, j'ai donc passé 3h dans ladite galerie samedi après-midi, toute seule. Et je dois dire qu'après avoir été plus ou moins déçue par deux des musées que j'ai déjà vus à DC, celui-ci a comblé toutes mes attentes !
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Il n'est ni à la hauteur du Musée d'Orsay, ni du Musée du Vatican, ni du Musée Thyssen-Bornemisza (ça n'engage que moi !) mais il est quand même magnifique ! Deux ailes reliées entre elles par un tunnel souterrain couvert de diodes scintillantes, digne de Star Wars :
- une néoclassique (cf. la photo qui précède), construite par Pope en 1941,
- et une contemporaine, construite par Pei, dans le même style que la pyramide du Louvre et le carrousel (cf. la photo qui suit).
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Étant donné le nombre impressionnant de toiles que possède le musée, on pourrait facilement y passer une 4 jours. J'ai donc sélectionné un-quart-d'un-étage-d'une-des-deux-ailes et je me suis concentrée dessus. J'ai ainsi pu faire :
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- la peinture espagnole des 18th et 19th siècles. Étonnamment, les Américains n'ont pas grand-chose dans ce domaine. 4-5 Goya se courent après dans une unique petite salle. Et puis, je veux pas jouer les blasées, mais après Madrid, difficile de rivaliser...
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- la peinture française des 18th et 19th siècles. Là par-contre, il y avait un paquet de jolis Fragonard (et non Popi, Fragonard, ce n'est pas qu'un magasin chic à Saint-Germain... ;-) et Chardin, ainsi que quelques belles sculptures. Petit aperçu en images :
* Jeune fille lisant, par Fragonard
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Alexandre Brongniart, par Houdon
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- la peinture anglaise. J'ai beau ne pas être une huge fan de Turner, je dois avouer que certains tableaux sont vraiment beaux ; il y a une lumière vraiment particulière... Et puis des beaux portraits et paysages par Constable, Gainsborough, Reynolds... Les classiques quoi ! J'ai vu un portrait en pied de deux jeunes filles anglaises ; celle de droite ressemblait comme deux gouttes d'eau à Eva. C'était saisissant !... Impossible de retrouver son nom et donc de la « googliser ». Quand je retournerai à la NGA, je regarderai.
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Venise, le Palais des Doges et Saint-Georges-Majeur, par William Turner
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- la peinture américaine enfin, du 18th siècle à la première moitié du 20th siècle. Entre autres :
Des portraits des premiers présidents. Je vous mets Georgie quand même... Mais pas Tomtom, parce qu'il n'est pas à son avantage sur le tableau de Gilbert Stuart je trouve. Et je vous mets pas non plus Monroe ; j'avais jamais vu sa tête... Il est laid ! On dirait un rat musqué...
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Celui qui m'a beaucoup plu et que je n'avais jamais eu l'occasion de voir dans aucun musée : George Catlin, un peintre qui a beaucoup peint les Indiens d'Amérique. Le section américaine du musée compte ainsi de très beaux portraits de chefs indiens, de scènes de danse indienne, etc. C'est peu courant...
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Autre chose, qui n'était pas très beau mais vraiment impressionnant, c'était cette sculpture taille réelle d'Augustus Saint-Gaudens : le « Shaw Memorial », censé commémorer un valeureux colonel mort près de Charleston vers la fin de la guerre de Sécession ainsi que son bataillon. La spécificité de la sculpture ? Le 54° régiment emmené par Shaw était la première unité de l'armée américaine à inclure des Noirs-Américains. A l'époque, l'idée de sculpter un mémorial à la gloire de ces soldats était assez révolutionnaire !
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Enfin, pour terminer, je vous mets... des poires ! Non pas en référence à mon pseudo, mais parce que moi qui ne suis pas sensible aux still lives en général, je ne sais pas pourquoi mais j'ai beaucoup aimé celle-ci. Elles sont tellement bien peintes, en termes de proportions, de couleurs, de finesse, qu'on croirait presque pouvoir les toucher. Je vous assure, ça ne rendra peut-être pas grand-chose avec une image du tableau piquée sur Internet, mais en vrai, le réalisme de ces poires est frappant !
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George Washington, par Stuart
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Boy-Chief, Ojibbeway, par George Catlin
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Ripening Pears, par Joseph Decker
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Enfin, pour terminer ce petit tour virtuel d'une toute petite partie de la NGA, je voudrais vous mettre aussi deux photos du Sculpture Garden, qui jouxte l'aile néoclassique, et dont je vous avais déjà parlé, à l'occasion des concerts de jazz le vendredi soir en été.
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Mon gros coup de cœur, cette arbre nu tout en acier, qu'on dirait sorti tout droit d' « Edouard aux mains d'argent » ! C'est l'œuvre de Roxy Paine, intitulée Graft.
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Et puis House I par Roy Liechstenstein : cette espèce de sculpture est faite de trois plans (correspondant aux trois aplats de couleur) assemblés de façon concave, ce qui fait que, selon où l'on se place, on a toujours l'impression de voir une maison proportionnée mais dans une perspective différente.
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Cécile, je suis gentille, je ne mets pas la sculpture de l'araignée géante en métal...
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II. The human slap
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Bon, cette deuxième claque n'a absolument rien à voir avec la première. Elle correspond à une conférence à laquelle j'ai assisté hier soir à la Elliott School, qui fait que ça y est, j'ai pris ma décision quant à mon choix de Master ! Ça faisait un an que je balançais entre « Affaires publiques » et « Affaires internationales ». Et bien sans qu'il le sache, le monsieur que j'ai écouté parler hier soir comme s'il s'agissait de Père Castor, a été le déclic ! Nina, prépare-toi à me supporter encore deux ans de plus, parce que j'opte définitivement pour « Affaires internationales » !...
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Je m'explique. Le sujet de la conférence d'hier soir : « Let’s Start with Haiti : President Obama’s New Vision for Development Work ». L'intervenant : Ray Offenheiser, le Président d'Oxfam Amérique.
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« Oxfam » vient de « Oxford Committee for Relief Famine », une organisation fondée en Grande-Bretagne en 1942. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, ce groupe milita pour que des vivres soient envoyés, malgré le blocus naval des alliés, aux femmes et enfants qui mourraient de faim en Grèce, pays alors occupé par l’ennemi. Depuis, Oxfam s'est développé, sous la forme d'Organisations Non-Gouvernementales alliées implantées dans 14 pays. Œuvrant aujourd'hui dans 99 pays dans le monde, Oxfam est devenu le leader mondial en matière de mesures d'urgences pour lutter contre les catastrophes naturelles, la pauvreté, la maladie, le commerce non-équitable, et développer l'éducation.
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Quant à Ray Offenheiser, depuis 1995, il est donc le Président d'Oxfam Amérique. Entre autres titres pompeux, il est membre du Conseil des Relations Étrangères pour l'État, de la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale (l'un des plus gros think tanks au monde) ; il est aussi un scholar intervenant régulièrement à Harvard, Notre-Dame (Illinois) et Columbia. Quinquagénaire frisant la soixantaine (c'est une estimation...), barbu, il a les yeux pétillants d'intelligence et de vivacité. Il parle très vite alors j'ai du m'accrocher, mais je crois que j'ai saisi à peu près 80-90% de son discours.
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La conférence correspondait en fait à un compte-rendu de l'état d'Haïti, neuf mois après le tremblement de terre. Offenheiser nous a décrit la situation géographique, économique et humaine d'Haïti avant la catastrophe. Il a également porté un regard très critique sur la responsabilité des pays européens (la France en tête) et des États-Unis dans le développement raté d'Haïti au cours des deux siècles passés. Il a décrit comment s'était passé le séisme et ce qui en a résulté, l'action d'Oxfam et des autres ONG sur le terrain dans les mois qui ont suivi, les rapports qu'entretiennent les Haïtiens avec ces « aides internationales »... Questionné sur la corruption qui règne trop souvent au sein des ONG, il n'a pas fait de langue de bois. Il a expliqué ce qu'il restait à faire à Haïti, à court et à long terme. Juste pour vous transmettre un chiffre très significatif qu'il nous a donné : 1 million de personnes, rien qu'à Port-au-Prince, n'ont toujours pas retrouvé de toit, et continuent par conséquent à s'entasser dans des tentes et des abris de fortune sur une place/avenue publique qui s'apparente au Mall en termes de superficie...
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Enfin, Offenheiser a expliqué en quoi consistait la politique de Développement d'Obama. Il m'a appris qu'Obama avait fait un discours au Congrès, il y a un mois ou deux, traitant uniquement des objectifs américains à atteindre dans les prochaines années, en matière d'aide au développement et de lutte contre la pauvreté. Le croirez-vous ? Un tel discours, axé uniquement sur ce thème, n'avait pas été fait depuis Kennedy en 1961. Offenheiser a vraisemblablement vu assez de misère dans sa vie pour être devenu quelqu'un d'hautement réaliste et pragmatique ; pourtant, il n'a pas l'air d'avoir perdu tout espoir de voir un jour les politiques et la population américaine placer le budget d'aide au développement au même rang, voire devant, le budget dévolu à la Défense. Il ne désespère pas de faire évoluer les comportements, ainsi que la théorie même d'aide au développement. Selon lui, on devrait inciter les gouvernements et la communauté internationale à agir davantage à la source du problème de la pauvreté, en mettant fin à l'assujettissement économique des pays du sud vis-à-vis des pays du nord, en apprenant à ces mêmes pays à s'auto-gouverner intelligemment. Plutôt que de toujours utiliser des pis-allers par à-coups pour lutter contre la misère une fois qu'il est trop tard, et de recourir à des ONG impérialistes qui déresponsabilisent les gouvernements locaux...
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Désolée si je ne m'exprime pas très bien ; je n'ai pas encore 35 ans de carrière derrière moi. En tout cas, Ray Offenheiser m'a inspiré beaucoup de respect et d'admiration. Grâce à lui, j'ai appris beaucoup de choses sur Haïti, et j'en suis revenue à mes premières amours : je veux passer ma vie à faire le travail qu'il fait, du concret, du pragmatisme, de l'utile... Pas des courbettes en mangeant des petits fours dans les salons Louis XVI d'un quelconque ministère, ni de la paperasse sans foi ni loi prétendument utile et en réalité destinée à finir dans une déchiqueteuse... Et sans même parler du long terme, je ne veux pas m'embêter encore deux ans de plus à mon retour à Paris à étudier de la comptabilité publique, du droit public, de la finance. Je ne veux pas me re-focaliser sur un concours que, soyons honnêtes, je n'ai aucune chance de décrocher ! Je veux faire ce que le génial Père Castor d'hier faisait...
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Voilà ! La grosse claque étant digérée, je m'apprête à savourer à nouveau chaque jour passé à Washington. Bisous les copains ! :-)
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PS : En me relisant, je réalise que l'anglais finit quand même par rentrer... J'ai perdu l'habitude d'écrire les siècles en chiffres romains, et je me trompe dans les suffixes... Les essays vont finir par payer ! :-)

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