mercredi 24 novembre 2010

Beautiful Ohio - The world capital city of rock'n roll

C'est le nom d'une valse sans paroles de 1969 et accessoirement, c'est LA chanson de l'État d'Ohio. Récit d'une semaine dans cet État du « Midwest » dans la famille de Trevor, mon pote américain de GWU qui était mon « buddy » (mon « filleul » si vous préférez) lorsqu'il était en échange à Sciences Po au semestre dernier.

Lundi

Commençons par le commencement car même la partie « voyage » comporte quelques faits intéressants.

  1. Je prends un train américain pour la première fois de ma vie, de la compagnie Amtrak (l'équivalent de la SNCF). Départ de Union Station à Washington. Je l'avais lu dans le guide ; ça s'est avéré vrai ! La gare mérite un détour à elle-seule quand on visite Washington : c'est un chef d'œuvre. Datant de 1907, elle est toute en pierre/marbre blanc, avec des plafonds voutés décorés de dorures et de sculptures. Elle ressemble assez à celle de NYC ou de Chicago qu'on voit très souvent dans les films, et doit dater d'à peu près de la même époque.

  1. Arrivée en train à Baltimore-Airport 20 minutes plus tard, je prends une navette pour accéder à l'aéroport en question. Rien de palpitant, si ce n'est que j'y expérimente à mon insu un objet qui fait polémique sur toutes les chaînes américaines actuellement : le « body scan ». Explication : la paranoïa américaine étant sans limite en matière d'avions depuis le 11 septembre 2001, non seulement je dois passer à travers le traditionnel portique détecteur de métal/d'appareils électroniques, en ayant au préalable enlevé pull, manteau, écharpe, ceinture, chaussures, montre, bijoux, mais je dois AUSSI rentrer dans un genre de cabine téléphonique transparente, arrondie, et attendre quelques secondes qu'un scanner scanne mon corps des pieds à la tête. Pourquoi cet objet crée le scandale ? Parce qu'il viole le 4ème amendement à la Constitution, en impliquant des « unreasonable searches ». De fait, l'image produite en quelques secondes à peine donne à voir votre corps complètement nu aux gars de la sécurité sur un écran à quelques mètres de vous à peine. Est-ce que le State Department va trop loin avec cet engin ? C'est ce que beaucoup de gens et de médias pensent en ce moment.

  2. Après 1h30 de vol environ, j'atterris à l'aéroport de Cleveland. Ce n'est pas la capitale de l'État, même si c'est démographiquement et historiquement l'une des villes les plus importantes. J'y retrouve Trevor et fais la connaissance de ses parents. Ils n'habitent pas Cleveland même mais à 30 minutes en voiture (je vous l'avais dit : je vais dans l'Amérique PROFONDE), à Chagrin Falls précisément. Au premier abord, je me demande qu'est-ce que j'ai bien pu venir faire ici : plusieurs bonshommes se baladent dans l'aéroport avec des chapeaux de cowboys, un énorme panneau publicitaire du Tea Party visible depuis l'autoroute s'adresse aux habitants de l'Ohio pour les informer du fait que le gouvernement fédéral leur ment et s'enrichit sur leur dos, nous traversons une zone industrielle aux cheminées fumantes et puantes... Et puis on me parle de la gloire perdue de Cleveland et je commence à m'intéresser sérieusement à l'Ohio...

Maire Castor, raconte-nous une histoire...

Située sur l'embouchure de la rivière Cuyahoga (nom indien, comme le Potomac) en même temps que sur la rive du Lac Erié, Cleveland est née tôt (pour les Etats-Unis, c'est une « vieille » ville), à savoir en 1796. Avec la révolution industrielle, du fait de son réseau de canaux ainsi que du chemin de fer qui y passe, Cleveland devient très vite un pôle d'attraction pour l'industrie lourde et sidérurgique. Elle atteint son apogée quand les Rockefeller y bâtissent leur empire, y drainant ainsi les capitaux.

Pourtant, au milieu du XX° siècle, Cleveland peine à s'adapter aux nouvelles industries et son déclin commence à se faire sentir. La population y est décroissante (seulement un demi-million d'habitants aujourd'hui), les finances se portent mal, les Rockefeller voit de l'avenir à NYC plutôt qu'à Cleveland, la pollution y est extrêmement forte. Au début des années 1960, un événement peu commun achève de faire de la mauvaise pub à Cleveland : étant données les tonnes de déchets chimiques qu'y déversent les usines tous les jours, le fleuve Cuyahoga s'enflamme sur une portion. Fin de l'ère industrielle glorieuse de Cleveland.

Mais n'exagérons rien, Cleveland reste « la capitale mondiale du rock'n roll » comme tous les Clevelanders s'en targuent. C'est l'une des villes centrales de ce qu'on appelle parfois la « North Coast » des États-Unis, du fait des lacs et du Saint-Laurent. C'est une petite ville (comparativement au reste des US), comportant grand maximum 10 grattes-ciels, mais c'est paraît-il une ville dans laquelle il fait bon vivre, en pleine revitalisation, comme Bilbao ou Liverpool.

  1. Vers minuit et demi : arrivée chez les Tisler. Rencontre de Pokey, la gentille chienne aux yeux bleus clairs. Découverte de la maison de Nancy Tisler, qui ressemble à une maison de poupée : des babioles du sol au plafond, des trucs complètement inutiles et un peu tartignoles sur tous les murs, genre des pommes en bois, des petits drapeaux américains... Chaque pièce de la maison a un thème. Ex : les fleurs, les piments, les chats, etc. (Oui, je sais, moi aussi j'ai un peu trouvé ça weird quand j'ai vu ça...) Must du must du comble du truc le plus inutile que la terre ait porté : une chaise en bois miniature, avec un micro-pot-de-fausses-fleurs posé dessus, le tout suspendu au dessus de la baignoire... Mais quelque part, c'est cosy, c'est vivant, c'est chaleureux, on sent que c'est habité depuis longtemps... et c'est agréable. Ca change de l'atmosphère des dorms aux murs nus et peuplés de valises...

Mardi

  1. Je confirme, malgré sa déco bizarroïde, J'AIME Nancy Tisler : j'ai des muffins aux myrtilles (du jardin !) tout chauds qui m'attendent à la cuisine pour le p'tit déj'.

  2. Chagrin Falls et la rue où habite Trevor, ce sont typiquement Fairview et Wisteria Lane. Le rêve américain par excellence ! Trevor m'explique que toutes ces maisons datent des années 1950-1960... Des maisons en planches blanches avec des toits gris-bleus. Des fermes en planches rouges. Des pelouses et des bosquets soignés. En outre, Chagrin Falls a beau être microscopique, ce village comporte TOUT ce qu'il faut : des mini-magasins de tout et n'importe quoi, 2/3 diners, un déli juif, un véto, un dentiste, des médecins, plusieurs églises... A croire qu'il est autosuffisant. On a vraiment l'impression de se balader au beau milieu d'une maquette de train à l'ancienne ; je ne vois que ça pour vous décrire ce à quoi ça ressemble.


  1. Direction Cleveland pour l'après-midi avec Trevor et ses parents. Sur le chemin, deux grandes découvertes, dont une qui va avoir du succès auprès de Papa :


  • le motto sur les plaques d'immatriculation de l'Ohio, c'est « Birthplace of aviation ». Et oui, car les frères Wright, à l'origine du tout premier cigare volant, sont nés dans l'Ohio, même s'ils se sont envolés pour la première fois de Caroline. NB : en plus des avions, on doit aussi à l'Ohio le téléphone, l'ampoule électrique, le phonographe et plein d'autres choses, puisque Thomas Edison était aussi un enfant du pays !


  • l'Ohio, c'est vraiment la Franche-Comté des États-Unis. Campagnarde mais magnifique ! Des bois à gogo, des plateaux de milliers de petits étangs et cours d'eau, et surtout... des animaux sauvages partout ! Je vois mon premier cerf choqué sur le bord de la route ; gorge serrée pendant ½ heure comme d'habitude... Fort heureusement, les dizaines d'oies sauvages, de rouges-gorges, d'écureuils me le font un peu oublier. Si je suis sage, on me dit que je devrais voir des Ninnin, qui pullulent dans la région (pour les gens non-familiers de mon doudou de naissance : des ratons-laveurs). Et ma plus chouette récompense intervient le soir, quand on rentre dans la nuit et qu'on tombe nez à nez avec 2 biches et 3 faons sur la pelouse des Tisler ! On est littéralement à 3 mètres d'eux. C'est magique ! Ils s'arrêtent tous les cinq, nous dévisagent, la tête tournée vers nous. Et puis dès qu'on met un pied hors de la voiture, ils s'en vont en courant/sautant de façon si aérienne qu'on dirait presque qu'ils s'envolent. Oui, je sais, je suis poétique, mais je vous assure que c'était superbe. Et contrairement à en Franche-Comté par contre, les cervidés ne sont pas vraiment bruns mais gris clairs ici, et ils ont le ventre et la queue tous blancs. Dernier détail : j'ai découvert l'existence d'une Belvoir Road à Cleveland...


  1. Visite du « Rock'n Roll Hall of Fame » : THE musée consacré à l'histoire du rock, LA fierté de Cleveland parce que référence en la matière, le tout dans un bâtiment moitié pyramide/moitié cylindre (un truc pas canon pour tout vous dire) construit par Pei. Je vous passe les détails. J'ai trouvé ça très chouette et apparemment très complet, mais je ne retiens jamais les noms ni les titres... Bref, une bonne dose de rock pendant 2h30 là-dedans. Ah si : j'ai vu la Lincoln violette et blanche du King, ainsi que ses costumes de scène !


  1. Promenade de 5 minutes à tout casser sur les quais du lac Erié. Pas grand-chose à voir : je suis un peu déçue. En fait, c'est tellement grand que ça donne exactement la même chose que si on regardait la mer. On voit rien en face. Les bords ne sont pas particulièrement jolis. C'est tout flat à des km à la ronde alors... L'eau est plutôt verte et agitée. Et puis il fait un froid de gueux (la météo prévoit de la neige pour la fin de la semaine). Alors on fait nos Américains de base et on remonte vite fait dans la voiture pour continuer la visite.


  1. On traverse Cleveland. Son Little Italy : beaucoup de maçons italiens au début du siècle. Son quartier culturel à l'architecture néoclassique (comme partout, c'est fou !), incluant l'Orchestre Symphonique et le Musée des Beaux-Arts... Son coin des universités. A noter : prédominance de la pierre de taille sur la brique dans cette partie des States.


  1. Et finalement, on entre dans le Lake View Cemetery. Je suis désolée, vous allez penser que j'ai une passion morbide pour les cimetières ; c'est pas moi, j'ai rien demandé, je savais même pas qu'il y avait un cimetière à voir ici. C'est juste que Trevor veut me montrer le caveau des Rockefeller, surmonté d'une immense obélisque hautement discrète et modeste, comme vous pouvez l'imaginer, ainsi que le monument à Garfield, l'un des 8 Présidents américains originaires d'Ohio du XIX° siècle (encore une fois, preuve qu'il fut un temps où l'Ohio pesait lourd dans l'économie nationale ainsi qu'à Washington).


  1. Retour à la maison pour un quick coffee. Yeux écarquillés devant les news à la télé : l'attaque soudaine de la Corée du Sud par la Corée du Nord. Autre confirmation du fait que l'Ohio, c'est la Franche-Comté américaine : les parents de Tisler dînent habituellement à 18h30 le soir.


  1. Dîner chez Truly Yours, THE diner de Chagrin Falls, en compagnie de deux des amies d'enfance de Trevor : Wendy et Julie (deux sœurs en fait). So American ! So good ! Très chaleureux. De la bouffe « américaine » mais appétissante et goûtue. Discussion sur tout et n'importe quoi : « Pourquoi Bristol Palin malgré son absence totale de talent pour la danse a réussi à se maintenir dans Dancing with the Stars jusqu'à ce soir ? », « Est-ce que les étudiants américains consomment plus de drogues dures que les étudiants français ? », « Est-ce qu'il faut critiquer ou défendre le mode de vie redneck propre à l'Ohio ? ».

5 commentaires:

  1. Happy thanksgiving ma loutre ! Ici, nos Américains sont tous nostalgiques aujourd'hui !
    Et bien sûr profite bien de ton expérience de l'Amérique profonde !
    des bisous

    RépondreSupprimer
  2. Belette des neiges25 novembre 2010 à 06:36

    Ah oui, et j'ai beaucoup aimé le "Maire Castor" ! très bon ... surtout de la part d'une loutre comme toi !

    RépondreSupprimer
  3. Merci ma belette ! :-) Ici, c'est la fête aujourd'hui ! Tout le monde est sur son 31, tout le monde s'active à la cuisine, on attend la famille de Trevor, et on s'apprête à passer la journée à manger grosso modo ! Bisous doux ma belette.

    RépondreSupprimer
  4. c'est en lisant ce genre d'articles que tu te rends compte que les us ont beaucoup plus d'histoire que l'australie, mine de rien (l'australie a commencee a etre colonisee au debut du xix e siecle et la federation date de 1901)
    j'ai des amis qui viennent du countryside, comme on dit ici, et c'est assez different comme ambiance, ils me font plus penser a la jeunesse paumee de skins qu'autre chose...

    RépondreSupprimer
  5. Oui enfin, ça reste relatif... Là où nous nous avons des musées sur l'histoire médiévale et les Romains, ils ont des musées sur le rock'n roll... C'est intéressant mais c'est pas vraiment de l'histoire au sens noble du terme... Quant aux boeufs de la countryside, après 4 jours ici maintenant, je t'assure qu'il y en a quand même un paquet...

    RépondreSupprimer