vendredi 14 janvier 2011

Greyhound ou la Comédie Humaine - Suite et fin !

Devant les multiples péripéties que nous avons encore connues en Greyhound au cours de notre voyage, je me vois obliger de re-consacrer un article à la compagnie de bus.
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En effet, sur les trajets Savannah-Titusville, Titusville-Miami et Miami-Key West, nous avons encore eu notre lot de frayeurs, de malaise et d'appitoiement. Maintenant que Marine et moi sommes rentrées à DC, entières et avec toutes nos affaires, je peux vous dresser plusieurs portraits de compagnons de voyage sans susciter d'insomnie chez Papa et Maman.
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Récacapitulatif :
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- un vieux monsieur tout maigre et alcoolique qui a sifflé 2 ou 3 bouteilles de rhum/Coca tout en discutant avec nous pendant une nuit de voyage... Qui nous a aussi prises en photo pendant qu'on bouquinait dans une gare et qui a envoyé la photo à un de ses potes à qui il téléphonait pour lui prouver qu'il voyageait en "pretty Frenchie company"...
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- une maman du Honduras un peu simplette, voyageant avec une petite fille de même pas 2 ans... et qui nous a demandé si on pouvait garder sa fille - assise entre un junkie et un SDF, en plein milieu de la gare de Richmond, vers 3h du matin - pendant qu'elle allait s'acheter un café...
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- un gars complètement surexcité et assez simplet lui aussi, qui se mettait des claques tout seul, se penchait d'avant en arrière inlassablement, en se tapant la tête contre le dossier de devant, et a foncé aux toilettes 4 fois en 2h de trajet à peine (on a pensé qu'il s'y piquait peut-être)... Séparé de Marine uniquement par l'allée du bus, j'avoue que celui-ci nous a bien fait flipper...
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- un chauffeur de bus raciste, gras et rose comme un goret, qui redémarre après avoir fait le plein, en sachant pertinemment qu'il abandonne à la station-service une vieille dame noire qu'il avait laissée descendre 5 minutes plus tôt pour qu'elle aille faire pipi. Marine étant la plus proche de lui, elle commence à s'énerver et à lui dire qu'il ne peut pas la laisser là, qu'il est dégueulasse de l'avoir autorisée à descendre si c'est pour ne pas l'attendre ensuite, qu'elle a sans doute une valise dans la soute, etc. Le chauffeur s'énerve, crie : "I make the rules. Don't tell me what I mustn't do." Après 3 minutes d'échanges virulents, la vieille dame approche du bus et de mauvaise grâce, il ralentit et rouvre les portes...
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- plusieurs jeunes mamans qui devaient avoir notre âge ou 2 ans de plus que nous à peine... Pleines d'hématomes, de piercings, de tatouages... L'air hagard... Pour l'une, traitée méchamment et violemment de "bitch" par le papa devant leurs propres enfants... Ignoble !
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- et le clou du spectacle - si je puis dire -, une jeune droguée complètement hystérique ! Sur le trajet Titusville-Miami, Marine et moi dormons comme des bébés. Tout à coup, je suis réveillée en sursaut par ladite folle qui passe et repasse dans l'allée du bus en courant, téléphone en main, et qui hurle/pleure dans son téléphone portable : "Don't hit me ! Don't hit me !". Après 5 minutes de conversation dont tout le bus a pu profiter, je parviens à comprendre qu'elle s'est trompée de destination en montant dans le bus et que quelqu'un - visiblement violent - l'attend ailleurs. Nous sommes au beau milieu de la Floride, sur une autoroute droite s'étendant à perte de vue... mais l'hystérique avec un côté de la tête rasée, et les lèvres et le nez mutilés de piercings en tous genres, insiste auprès du chauffeur. "Où pouvez-vous me laisser descendre ? - Je ne vous laisse pas descendre. J'ai un horaire à tenir. De plus, nous sommes au beau milieu de l'autoroute. La destination de ce bus était affichée à Orlando ; vous saviez où il allait. Tant pis pour vous." Et notre tarée de répondre froidement : "And what if I piss you off ? What if I make something illegal ?". Tout le bus est maintenant bien réveillé et aux abois : va-t-elle buter le chauffeur ? Le chauffeur vraisemblablement aussi apeuré que nous se rue finalement sur la première aire d'autoroute venue et lui ordonne de dégager ! Mais comme le ridicule ne tue pas, notre droguée prend encore le temps de parcourir une dernière fois l'allée du bus en demandant à la volée si quelqu'un a une cigarette pour elle !... Les portes refermées, nous reprenons notre route, rassurées...
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Voilà pour la galerie de portraits !
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Quant aux spécificités de la Floride, en termes de Greyhound encore, j'ajouterai encore trois choses :
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- d'une part, la population était bien plus blanche qu'en Caroline ou qu'en Géorgie... Quand nous sommes parties de DC, avec le vieil alcoolique, nous devions être les trois seuls blancs du bus... Quand nous sommes arrivées à Miami, et encore à plus forte raison à Key West, les Latinos et les noirs présents dans le bus se comptaient sur les doigts de la main !
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- d'autre part, immigration clandestine massive oblige, en Floride, nous avons aussi eu droit au contrôle de la police des frontières dans le bus, de bon matin. Armés, peu aimables, menaçants, ils arrivent à vous faire trembler même si, comme nous, vous êtes parfaitement en ordre avec vos visas/papiers. On pouvait lire la peur, vraiment, dans les yeux d'une dame jamaïcaine et son fils, assis derrière nous. Fort heureusement, ils étaient aussi en règle avec leur carte verte et nous n'aurons pas eu à assister au triste spectacle d'une reconduite musclée à la frontière.
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- enfin, peut-être parce qu'en entrant en Floride, on revient un peu à la civilisation - la riche et blanche civilisation, j'entends -, nous avons également eu droit au contrôle des armes dans les bus... Complètement au faciès pour le coup ! Marine et moi n'avons même pas eu à ouvrir notre sac, contrairement aux autres gens...
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Ainsi s'achèvent mes chroniques sur le Greyhound et avec elles une expérience sociologique riche d'enseignements. Bien que ces multiples trajets en bus n'aient pas constitué une partie "agréable" de notre voyage, ils nous ont permis de voir des choses qu'on n'aurait jamais vues, ni même réalisées, en se contentant de prendre un avion direct pour Miami ou les Keys par exemple. Aucun regret donc.

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